SPIRITUALITÉ

Averroès, philosophe rationaliste

20.06.2023

Références

  1. « Averroès », Florian Besson, Les clés du Moyen-Orient, 8 mars 2013.
  2. Notice BNF Averroès
  3. « Qui était vraiment le penseur Averroès ? », Dominique Misigaro, Institut du monde arabe.

Pour aller plus loin

« Averroès. Philosophie politique », Série de conférence de Makram Abbès

« Averroès avait raison », Podcast France culture

« Averroès, un pont au-dessus de la Méditerranée », France inter

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Philosophe, théologien, juriste et médecin musulman, Averroès a été l’un des plus grands savants de son époque. Son travail a permis à l’Europe de redécouvrir la pensée grecque et a beaucoup influencé la philosophie chrétienne du Moyen-Age. Au XIXe siècle, sa pensée contribue au renouveau de la pensée musulmane.

Juger, soigner et philosopher

Issu d’une prestigieuse famille musulmane andalouse, Ibn Rushd, connu en Europe sous le nom latinisé de Averroès, naît en 1126 à Cordoue. Son père, cadi (juge musulman) de la ville l’initie dès son plus jeune âge au droit et à la théologie. Il reçoit ensuite l’enseignement des plus éminents professeurs de l’époque dans des domaines variés : physique, la médecine, l’astrologie, la philosophie et les mathématiques. Il fera ensuite carrière à la cours des califes almohades du Maroc et exercera comme de cadi et de médecin des princes.

Juriste éclairé, il rénove complètement l’administration de la justice à Marrakech. Son approche extrêmement moderne met l’accent sur la prévention des crimes plus que sur leur répression.

En plus de ses fonctions, il développe une pensée philosophique pionnière dont la postérité sera immense. Sa proximité avec la cours lui permettra d’échapper un temps à la censure. Accusé d’hérésie par les religieux traditionalistes, il tombe cependant en disgrâce en 1195. Ses écrits sont brûlés et nous sont parvenus grâce aux juifs andalous qui les avaient conservés. Il sera réhabilité seulement quelques mois avant sa mort en 1198.

Concilier Aristote et la Révélation coranique

Averroès est surtout connu pour ses commentaires d’Aristote qui ont permis à l’Europe de redécouvrir ce philosophe grec. Il a cherché à concilier le rationalisme grec avec la théologie islamique. Averroès défend ainsi l’idée que la philosophie peut permettre d’éclairer la révélation coranique. D’ailleurs, il considère le Coran comme un appel à la réflexion et défend que l’exercice de la raison permet de mieux en comprendre le sens.

Selon lui, il y a deux principaux modes d’acquisition de la connaissance : la raison et l’intuition. La première est l’instrument des savants et des scientifiques, la seconde celle des prophètes. Les deux régimes de connaissance ne peuvent se contredire car « le vrai ne saurait contredire le vrai ». Cependant, les prophètes acquièrent la connaissance au travers d’image qui doivent être interprétées notamment grâce à la réflexion philosophique.

Averroès considère que comme le monde est l’œuvre de Dieu, l’étudier est la meilleure façon d’approcher la connaissance du divin. Il fait un parallèle éloquent avec l’artisan : de même que l’on peut connaître un artisan en étudiant les objets qu’il fabrique, on peut connaître Dieu en étudiant le monde1. Il multiplie donc les expériences scientifiques (de la poudre à canon aux lunettes) et encourage les savants religieux à faire de même.

Une pensée politique moderne

Averroès a vécu a une époque mouvementée marquée par le tournant rigoriste de la dynastie almoravide alors au pouvoir en Andalousie et au Maghreb. Inspiré par la philosophie politique de Platon qu’il transpose au contexte andalou, il étudie la « cité parfaite ». Critique de la corruption du régime en place, il défend la nécessité de moraliser l’exercice du pouvoir.

Dans ses écrits politiques, il prône l’éducation des citoyens et la gouvernance douce fondée sur la prévention des crimes plutôt que sur les châtiments. Il est aussi le précurseur de la théorie de la « volonté générale » considérant que le gouvernement doit refléter la volonté du peuple.

Influencé par son contexte historique, il a cherché à libérer le politique du religieux et inversement. Cette séparation éviterai que le politique impose sa vision du religieux ou instrumentalise la religion à des fins politiques. Averroès défend également la tolérance religieuse et la compréhension mutuelle entre les différentes cultures et religions.

Dans la continuité de Platon, il considère que les femmes sont parfaitement à même de contribuer à la cité. Elles doivent pouvoir travailler et exercer des fonctions politiques au même titre que les hommes.

La postérité d’Averroès

Ce n’est pas dans le monde musulman mais en dans l’Europe chrétienne que sa pensée trouvera une postérité immédiate. Ses écrits sont traduits en latin dans les années 1230 et il est enseigné à Paris dès 1240. Ses écrits suscitent autant de de disciples que d’opposants et animera la construction de la pensée occidentale durant près de quatre siècles. Il est notamment considéré comme le précurseur de l’humanisme de la Renaissance. Alain de Libera, spécialiste de Averroès, le considère comme « le père spirituel de l’Europe ».

Il sera redécouvert par les mouvements réformistes qui se développent dans le monde musulman au XIXe siècle. Il est encore aujourd’hui considéré comme l’une des principales infleunces de la pensée musulmane moderne.

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