SPIRITUALITÉ

Abdolkarim Soroush, revenir à la foi authentique

22.06.2023

Références

  1. « Les intellectuels contre la théocratie ? », Farhad Khosrokhavar et Mohsen Mottaghi, Vacarme, 30 mai 2014.
  2. « Les intellectuels islamiques iraniens veulent défendre les libertés », Le Monde, 14 décembre 1997.
  3. Biography of Abdolkarim Soroush, Site du docteur Soroush

Pour aller plus loin

« Révolution iranienne », Courrier international

« En islam, les penseurs d’une nouvelle théologie ont entamé un travail de refondation révolutionnaire », Le Monde

« ABDOLKARIM SOROUSH. Lettre au guide suprême », traduit dans Courrier international

Civic Fab

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Philosophe iranien contemporain, Abdolkarim Soroush prône un islam de l’amour contre la dictature théocratique en place dans son pays. Militant des droits humains et de la liberté de conscience, il est aujourd’hui l’un des intellectuels musulmans les plus influents dans le monde.

Entre Téhéran et Londres

Né le 16 décembre 1945 à Téhéran en Iran, Abdolkarim Soroush suit d’abord des études de pharmacie. Il quitte ensuite l’Iran pour Londres où après des études de chimie, il se réoriente vers l’histoire et la philosophie des sciences.

A cette époque la contestation des Iraniens contre le régime autoritaire du Shah (roi d’Iran) s’intensifie. Une partie de la population aspire à accroître l’influence de l’islam (chiite) dans la politique du pays mais aussi à plus de liberté d’expression. La propagande politico-religieuse de l’ayatollah Khomeyni, exilé depuis 15 ans à l’étranger, reçoit un écho de plus en plus favorable en Iran. Dès 1978, des grèves paralysent le pays et la contestation s’étend à la diaspora iranienne notamment au Royaume-Unis où réside alors Soroush. Séduit par ce mouvement de révolte, il soutient la révolution islamique de 1979 menée par l’ayatollah Khomeyni.

La critique progressive du régime

Après la Révolution islamique, il rentre en Iran et participe à la refondation de l’université imposée par le nouveau régime. Les universités sont fermées et les enseignements opposés aux régime sont arrêtés. Tous les enseignements considérés comme contraire aux normes religieuses sont retirés des programmes. En 1983, alors que les purges dans l’éducation prennent un tournant radical, il démissionne de ses fonctions.

Au début des années 1990, il commence à critiquer ouvertement le régime iranien. Il fonde le journal Kiyan qui devient rapidement l’épicentre de la contestation intellectuelle. Dans ses articles, il plaide pour le pluralisme religieux, la démocratie et le respect des droits humains en Iran. Il dénonce la religion d’État et la violence de la répression des clercs chiites au pouvoir. En 1998, le journal est interdit et deux ans plus tard, face aux pressions du régime, Soroush est contraint à l’exil. Il devient professeur dans plusieurs universités américaines où il enseigne la théologie islamique et la philosophie politique.

La philosophie de Abdolkarim Soroush

Connu pour son travail novateur sur l’islam, il mène une réflexion critique sur l’articulation entre islam et raison, et interroge la relation entre religion, politique et société. Il remet en question les interprétations dogmatiques du régime iranien et propose une lecture plus contextuelle des textes sacrés. Puisque l’interprétation des textes est une entreprise humaine située dans un contexte historique particulier, aucune interprétation ne peut prétendre détenir à elle seule la vérité.

Soroush propose le concept de « Renaissance de la pensée religieuse » pour l’Iran, un mouvement qui vise à réexaminer les enseignements religieux à la lumière des défis contemporains. Il plaide pour une interprétation des textes sacrés qui intègre les acquis de la science.

Le Coran, en soi, est muet [sâmet] et ce sont les croyants qui, à travers leurs connaissances et leurs expériences, interprètent le texte et le font parler.1

Abdolkarim Soroush

Démocratie et foi authentique

Soroush s’oppose au régime théocratique iranien et plaide pour un régime démocratique religieusement neutre. Seul ce modèle politique peut permettre selon lui l’égalité entre les citoyens et une pleine liberté de pensée. Il considère qu’on ne peut pas forcer les citoyens à adhérer à une religion. Le régime ne peut pas non plus contraindre les croyants à pratiquer leur religion dans un cadre imposé par lui.

Pour Soroush, sans liberté de conscience, il ne peut y avoir de foi authentique. Sans liberté de choisir sa religion ou de la quitter sans pression sociale ou étatique, la foi perd de son caractère personnel. La vrai foi est celle de l’amour de Dieu consolidée au péril du doute permanent.

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